Cursus Sage-Femme
Cours III - Les complications pré et post-partum
Une femme enceinte n’est pas en soi une femme qui est malade, mais nous avons vu dans les cours précédents qu’il faut prendre des soins particuliers la concernant, et être attentifs à tout signe pouvant suggérer une complication. La surveillance est donc de mise car il existe toutefois quelques points récurrents et à ne pas négliger. Nous verrons donc notamment les cas du diabète, de la délivrance de la secondine (= placenta), et de l’hypertension qui peuvent engendrer des complications à la naissance.
1. Un peu d’Histoire :
Depuis très longtemps, des hommes se sont penchés sur cette maladie étrange que l'on appelle "diabète"
En Chine, des livres de médecine vieux de plus de 4000 ans décrivent des symptômes ressemblant de très près à ceux du diabète : une soif et des urines abondantes.
Un papyrus égyptien, datant de 1500 ans avant JC, dit papyrus d'Eber (du nom de l'archéologue qui le découvrit) décrit ces mêmes symptômes.
En Inde, vers 1500 avant JC, les médecins Susruta et Charaka étudient cette maladie, et découvrent qu'elle produit de l'urine " au goût de miel ", qui attire et charme les fourmis.
C'est en Grèce que le nom de diabète est donné pour la première fois : diabetes, qui signifie " qui passe à
travers ". Pour Arétée de Cappadoce (80-138 après JC), ce nom décrit le mécanisme du diabète : " les fluides ne restent pas dans le corps, qu'ils utilisent comme un canal à travers lequel ils peuvent passer ". Il s'agit en fait des conséquences, et non du mécanisme du diabète. Mais les causes du diabète sont encore mal connues : pour Arétée, il s'agit d'une maladie de l'estomac, alors que pour son compatriote Galien (129-01 après JC), c'est une
maladie des reins.
Le médecin arabe Avicennes (980-1037) est un des premiers à décrire deux types de diabète différents, à parler de son association à la gangrène et à indiquer le goût sucré des urines. Il appelle cette maladie "aldulab ", qui signifie " roue à eau ".
Moïse Maïmomide (1135-1204), médecin juif, natif d'Espagne mais ayant beaucoup vécu en Egypte, y encontre de nombreux cas de diabète, et les recense dans le recueil Aphorismes.
2. Les symptômes :
Ce type diabète apparait généralement pendant le 2e ou le 3e trimestre de la grossesse. Il se manifeste généralement par :
* fatigue inhabituelle pour une femme enceinte
* apparition d'une soif importante liée à une miction fréquente et abondante, en particulier la nuit, ce qui réveille et nécessite de se lever (symptôme essentiel du diabète hors diabète gestationnel)
* urines sucrées
* Souvent s'y associe un amaigrissement
3. Les facteurs de risque :
* grossesse tardive,
* embonpoint et obésité,
* prise de poids trop élevée lors des grossesses antérieures,
* enfants de gros poids à la naissance (pour celles qui ne sont pas primipares).
4. Conséquences possibles :
Le diabète gestationnel expose la mère et l'enfant à des risques accrus :
Pour la mère
- Hypertension et enflure (élément que nous développerons en fin de ce cours).
- Infection urinaire
- Accouchement prématuré ou fausses-couches spontanées plus fréquentes.
Pour l'enfant
- Poids dépassant 4 kg (soit 9 livres) à la naissance
- Exagération de la jaunisse du nouveau-né.
- Syndrome de détresse respiratoire.
- Possiblement, développer un diabète par la suite.
- malformations congénitales
- mort foetale
Après l'accouchement, dans presque tous les cas, le diabète gestationnel disparaît dans les quelques semaines qui suivent.
Ce type de diabète ne constitue pas une contre-indication pour l'allaitement maternel.
5. Soins à apporter :
Lors du diagnostic de cette pathologie, le poids de la mère est à surveiller, en mettant en place un certain régime alimentaire veillant à ne pas apporter ni trop de sucres ni trop de graisses. Il faut aussi avoir recours à une activité
physique régulière et modérée.
Il faut donc éviter voire proscrire tous les aliments sucrés, tels que : sucre, miel, confiture, riz blanc, aliments à base de farine blanche, maïs, pain blanc, et les fruits tels que les fruits secs… et certains légumes comme la betterave, les carottes, les petits pois…
II. Complications lors de l’accouchement : la non délivrance du placenta
Couramment,
la secondine (ou placenta) est expulsée naturellement, spontanément. Une période de repos, en moyenne 10 à 15 minutes après la naissance, et en l'absence de complications, doit être respectée (
expectative), jusqu'à 20 minutes, sachant que tout sera préparé alors pour intervenir si le délai de 30 minutes était dépassé et la secondine alors non expulsée. Il est à noter que toute manœuvre intempestive (expression utérine, traction sur le cordon, …) risque de provoquer une complication (hémorragie, expulsion partielle du placenta…).
Si passé ce délai, la secondine n’est pas expulsée, on va pratiquer ce que l’on appelle la « délivrance artificielle ». Cette pratique consiste en l'extraction manuelle du placenta hors de l'utérus.
Ses 2 indications sont donc, soit une
hémorragie de la délivrance survenant alors que le placenta n'est que partiellement décollé, enchâtonné ou incarcéré dans l'utérus, soit le
non-décollement placentaire au-delà de 30 minutes, après l'accouchement.
Cette manœuvre nécessite quelques précautions :
- aseptie (badigeonnage antiseptique du périnée et mise en place de draps propres, lavage des mains que l’on enduit ensuite d’huile de violette),
- anesthésie de la mère par le biais d’une éponge imbibée d’huile de Mandragore (l’éponge est sèche, mais une fois humidifiée, on la fait respirer à la mère, ce qui l’« endort »). On peut utiliser aussi de l’huile d’opium pour ce faire, fabriquée à partir de pavot.
Une fois bien installée, la sage-femme introduira une main (lavée et huilée) dans les voies génitales, en suivant le
trajet du cordon. Son autre main lui servira à empaumer le fond utérin et à abaisser celui-ci vers le pubis, afin de rapprocher son champ d'action de sa main intra-utérine. Elle doit repérer l'insertion du placenta puis décoller le
placenta à l'aide du bord cubital de la main (= bord externe). Une fois le plan de clivage repéré, le placenta est facilement décollé et amené en un seul mouvement afin d'éviter les nombreux allers-retours. Une
révision
utérine complètera cependant cette délivrance artificielle de principe, afin de vérifier la vacuité (c'est-à-dire vérifier que celui-ci est bien vide) et une bonne rétraction utérine.
Cette manœuvre est nécessaire afin qu’il ne reste aucune partie de la secondine qui pourrait entraîner, hémorragies
intempestives, infections.
Après toute délivrance, qu’elle soit naturelle ou artificielle, l’état du placenta est vérifié.
S’il venait à en rester un peu, il arrive souvent un signe qui ne trompe pas l’infection installée :
La fièvre puerpérale (du latin puer, enfant).
Elle est donc signe d’une maladie infectieuse, qui survient après un accouchement ou une fausse couche, mais surtout dans le cas où l'expulsion du placenta n'a pas été complète.
Selon Aristote, cette infection serait causée par une contagion invisible de l'utérus, qui gagnerait le péritoine et d'autres organes abdominaux. Elle s'accompagne d'une forte fièvre et en l'absence d'un traitement efficace, évolue dans la plupart des cas en quelques semaines vers une septicémie mortelle. Chez les survivantes une stérilité séquellaire est souvent observée.
Une autre complication de la grossesse pré et post-partum est l’apparition d’une hypertension aggravée chez la parturiente. Elle peut être fatale tant pour la mère que pour l’enfant.
Cette pathologie apparaît après la 20e semaine de grossesse et se caractérise par une élévation de la pression artérielle (l'hypertension) et les urines sont troubles, avec possibilité d’oligurie aussi (= raréfaction du volume des urines chez un individu).
Le symptôme le plus courant est une enflure, surtout du visage et des mains. Cette enflure peut entraîner une prise de poids supérieure à celle escomptée durant une grossesse.
D’autres symptômes tels que des troubles de la vue, des réflexes exagérés et, dans certains cas, de convulsions, doivent orienter sur cette pathologie.
Une complication est rare mais non négligeable, caractérisée par des crises de convulsions pouvant être fatales pour la mère comme pour le fœtus. Cette pathologie demeure la principale cause de décès maternel pendant l'accouchement.
Les femmes dont la pression artérielle est élevée avant leur grossesse courent un risque accru de fausse couche et
d'accouchement avant terme d'un bébé de faible poids ou mort-né. Les femmes dont la pression artérielle monte pendant leur grossesse courent un risque légèrement plus élevé de complications, tandis que les femmes atteintes d’hypertension et de diabète en courent le plus grand risque.
* Il y a plusieurs phases dans cette pathologie :
৩phase prodromique : cette étape passe habituellement inaperçue à moins d'une surveillance constante. La patiente roule des yeux tandis que ses muscles faciaux et ses mains se contractent légèrement.
৩phase tonique : peu après l'étape prémonitoire, les contractions musculaires se transforment en serrements. Parfois la femme peut se mordre la langue pendant qu'elle serre ses dents, alors que ses bras et ses jambes deviennent rigides. Les muscles respiratoires se contractent également, faisant temporairement cesser la respiration. Cette étape se poursuit pendant environ 30 secondes.
৩phase clonique : la contraction musculaire généralisée s'arrête mais les muscles se lancent alors dans de violents spasmes. De la salive écumeuse et possiblement teintée de sang apparaît sur les lèvres de la patiente et peut parfois être inhalée. Les convulsions cessent après environ deux minutes, menant à un coma, mais quelques cas peuvent provoquer un arrêt cardiaque.
৩Coma : la femme tombe profondément sans connaissance, respirant bruyamment. Ceci peut durer seulement quelques minutes ou peut persister pendant des heures.
* Évolution de la pathologie :
Le plus souvent, il y a une évolution vers la guérison après évacuation du contenu de l'utérus, espacement des crises, dissipation du coma et débâcle urinaire. On peut avoir des complications en dehors de la morsure de la langue tels que des accidents respiratoires avec asphyxie, des hémorragies cérébro-méningées et cérébrale (signifiées par des saignements anarchiques au niveau du nez, parfois oreilles), une psychose puerpérale quelques jours après ou une mort maternelle par complication respiratoires. L'accouchement s'il est déclenché par la crise
sera rapide. En revanche, il y a un risque de mort fœtale in utero du fait des troubles respiratoires de la mère.
L'on pratiquera une césarienne en cas de mort maternelle afin soit de sauver l'enfant à naître, soit de le retirer du corps de la mère pour des raisons religieuses (ne pas faire perdre les bienfaits du baptême à un enfant sur le point de naître).
En cas de césarienne visant à sauver l'enfant, celle-ci se fera en maintenant la bouche de la mère ouverte, pour que l’air arrive au fœtus le plus rapidement possible.
La femme enceinte n’est donc pas à considérer à proprement parler comme étant malade, mais il est clair et essentiel qu’il faut en prendre le plus grand soin et veiller au mieux au bon déroulement de sa grossesse et de son accouchement, en guettant les moindres signes pathologiques qui pourraient conduire à des complications et de la grossesse et de l’accouchement, entraînant, dans les pires des cas, la mort de la mère et de l’enfant.
Cours rédigé par Anya Giffard de Puycharic,
Médecin diplômé de l'Ostel-Dieu de Paris